II
Vers la mi-avril de l’année dernière, il ne la rencontra plus.
– Tiens ! se dit-il, elle a déménagé.
– Tant mieux, ajouta-t-il, je commençais à en être sérieusement toqué.
– Tant mieux, fit-il encore, en manière de conclusion.
Et pourtant, l’image de la jolie personne ne disparut jamais complètement de son cœur.
Surtout le petit morceau de cou, près de l’oreille, qu’on apercevait entre le col de la robe et le bas de la voilette, s’obstinait à lui trottiner par le cerveau.
Vingt fois, il forma le projet de s’informer de la nouvelle adresse.
Vingt fois, une pièce de cent sous dans la main, il s’approcha de l’ancienne demeure, afin d’interroger le concierge.
Mais, au dernier moment, il reculait et s’éloignait, remettant dans sa poche l’écu séducteur.
Le hasard, ce grand concierge, se chargea de remettre en présence ces deux êtres, le jeune homme si amoureux et la jeune fille si pure.
Mais, hélas ! la jeune fille si pure n’était plus pure du tout.
Elle était devenue cocotte.
Et toujours jolie, avec ça !
Bien plus jolie qu’avant, même !
Et effrontée !
C’était à l’Éden.
Elle marcha toute la soirée, et marcha dédaigneuse du spectacle.
Lui, la suivit comme autrefois, admiratif et respectueux.
À plusieurs reprises, elle but du champagne avec des messieurs.
Lui, attendait à la table voisine.
Mais ce fut du champagne sans conséquence.
Car, un peu avant la fin de la représentation, elle sortit seule et rentra seule chez elle, à pied, lentement, comme autrefois, et non sans majesté.
Quand la porte de la maison se fut refermée, lui resta tout bête, sur le trottoir.
Il étouffa un soupir et murmura :
Quel dommage que ce soit une grue !